Le grand chantier de l’eau propre

Cette lettre ouverte est l’œuvre collective d’une quarantaine organisations sensibles aux enjeux de qualité et d’accessibilité publique à l’eau. Elle a été transmise par l’entremise du président de la Fondation Rivières, M. Alain Saladzius, au premier ministre, M. François Legault, au ministre de l’Environnement, M. Benoit Charette et à la ministre des Affaires municipales, Mme Andrée Laforest, le vendredi 12 juin 2020.

EAUX USÉES : 44 ORGANISATIONS RÉCLAMENT UN GRAND CHANTIER DE L’EAU PROPRE
Monsieur le Premier ministre
Monsieur le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Madame la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation
Le 1er juin 2020, nous avons pris connaissance des informations rendues publiques par la Fondation Rivières dans son communiqué intitulé « Traitement des eaux usées au Québec : 7 municipalités sur 10 contaminent toujours les rivières ». Suite à cette lecture, nous estimons que le temps est venu pour le gouvernement d’agir avec rigueur, concrètement et efficacement, pour protéger les cours d’eau du Québec et pour assurer aux Québécoises et aux Québécois des accès publics aux rivières qui soient propres et sanitaires.

Petite histoire d’assainissement
Rappelons que c’est à la suite de la création du ministère de l’Environnement en 1979 par Marcel Léger, sous le gouvernement de René Lévesque, que le premier grand chantier d’assainissement a été mis en œuvre. Le Programme d’assainissement des eaux du Québec, de l’ordre de 6 milliards de dollars sur une période de 10 à 20 ans, était une priorité d’État pour toutes les décennies 80 et 90. Avant cela, le Québec épurait seulement de 6 à 10 % de ses eaux usées domestiques et industrielles.
Or, après 40 ans et des sommes d’argent publiques conséquentes, le Québec se contente du strict minimum, alors qu’il a tout pour être un chef de file dans la gestion de ses eaux en optimisant les ouvrages d’assainissement. Tout comme pour le cas des infrastructures routières et scolaires qui se sont dégradées de façon importante, les gouvernements qui se sont succédés ont laissé la situation se détériorer au point où aujourd’hui, en 2020, la majorité des systèmes d’assainissement sont désuets et inadaptés, sans jamais avoir été développés dans une logique d’aménagement intégré du territoire.

À l’heure actuelle, les normes de rejet de contaminants dans l’environnement ne tiennent pas compte de la capacité des milieux naturels à supporter la pollution. En effet, toutes les municipalités du Québec sont encore en attente depuis 2014 de recevoir leur « attestation d’assainissement », une forme de permis d’exploitation, une nouvelle norme qui doit resserrer le nombre maximal de surverses que peuvent tolérer les différents bassins versants et les normes de traitement à atteindre. Or, le ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques n’a encore émis aucune attestation en vertu de ce règlement. Selon les informations obtenues, le processus d’émission des attestations ne serait complété qu’en 2026, soit 12 ans après l’adoption du règlement. Une autre conséquence des retards actuels est que plusieurs municipalités se retrouveront le 31 décembre prochain en infraction au règlement, car elles déverseront encore des eaux non traitées. C’est une situation pour le moins questionnable.

La plus grande richesse naturelle, une ressource à protéger
Il est regrettable qu’en 2020, malgré des milliards de fonds publics investis, la situation des débordements d’eaux usées municipales dans les cours d’eau du Québec ne soit toujours pas contrôlée. Pire, on note que le nombre réel est en hausse et qu’il est maintenant de 53 645 rejets d’eaux usées par année! Les 1001 cours d’eau, cette richesse naturelle enviée par tous les pays du monde, sont encore traités comme des égouts à ciel ouvert… Nous pouvons et devons faire mieux. Beaucoup de rivières et leurs écosystèmes, dont ceux du majestueux fleuve Saint-Laurent, souffrent depuis trop longtemps de cette négligence. Mettons fin au statu quo et profitons de la crise actuelle pour entamer de réels changements de société.

Lançons un grand chantier de l’eau propre
Depuis toujours, pour stimuler l’économie, les gouvernements lancent de grands chantiers. Cette fois-ci, pourquoi ne pas saisir l’occasion de mettre en œuvre un grand chantier de l’eau propre? Un projet réfléchi en fonction des enjeux d’adaptation aux changements climatiques et selon les principes d’infrastructures vertes, en cohérence avec les notions de capacité de support des milieux naturels et d’aménagement du territoire.
Attaquons-nous aux vrais enjeux à court terme comme le fait que des eaux usées ou pas suffisamment traitées sont rejetées dans nos plans d’eau. Voici des recommandations de ce que pourrait contenir le grand chantier de l’eau propre :

  • Soutenir et accompagner les municipalités avec des ressources publiques qualifiées et suffisantes ;
  • Investir massivement à court terme pour régler les problèmes urgents ;
  • Prioriser la bonne gestion des eaux pluviales par l’aménagement d’infrastructures vertes ;
  • Développer une approche moins bureaucratique et offrir aux municipalités un meilleur accompagnement ;
  • Mettre en place un secrétariat interministériel dédié à ce dossier afin de faciliter la coordination entre tous les ministères et organismes publics concernés ;
  • Implanter un tableau de bord national public permettant aux Québécois de connaître l’état d’avancement du grand chantier ;
  • Donner un mandat clair et des fonds conséquents au MELCC pour la mise en œuvre de ce chantier et assurer un engagement du premier ministre et du Conseil exécutif ;
  • Mettre en place une priorisation régionale des travaux à l’échelle des bassins versants. Bref, les solutions existent. Usons de leadership et cessons de remettre à plus tard ce qui aurait dû être fait depuis bien longtemps!
  • Nous avons une chance inouïe d’avoir sur notre territoire de si nombreux cours d’eau. Nous avons le devoir collectif de les protéger.

Signataires:

Fondation Rivières
Eau Secours
Nature Québec
Regroupement des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ)
Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ)
Stratégies Saint-Laurent
Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
Organisme de bassin versant de la rivière Saint-Maurice
Organisme de bassin versant de la rivière Richelieu et de la Zone Saint-Laurent
Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi
Organisme de bassin versant du Témiscamingue
Corporation de l’Aménagement de la rivière L’Assomption
Conseil de l’eau du nord de la Gaspésie
Organisme des bassins versant de la zone Bayonne
Groupe de concertation des bassins versants de la zone Bécancour
Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François
Organisme des bassins versants de la Capitale
Organisme des bassins versants de la Haute-Côte-Nord
Corporation de gestion de la rivière Saint-Jean Saguenay inc.
Conseil des bassins versants des Mille-Îles
Organisme des bassins versants de Kamouraska, L’Islet et Rivière-du-Loup
Conseil de bassin de la rivière Etchemin
Comité du bassin versant de la rivière du Lièvre
Organisme de bassin versant de Duplessis
Organisme de bassin versant des rivières du Loup et des Yamachiche
Organisme de bassin versant de la rivière Maskinongé
Organisme de bassin versant du Saguenay
Conseil régional de l’environnement de Montréal
Conseil régional de l’environnement de la Montérégie
Conseil régional de l’environnement de Laval
Conseil régional de l’environnement des Laurentides
ZIP de Québec et Chaudière-Appalaches
ZIP Les Deux Rives
ZIP Côte-Nord du Golfe
Greenpeace Canada, Montréal
Association des riveraines et riverains du lac Joseph
Association de protection du lac à la truite d’Irlande
Association des Riverains et Amis du Richelieu
Association pour la protection du lac Taureau
Canot-Kayak Qc
Environnement Jeunesse (ENJEU)
WWF-Canada, direction Québec
Le Projet de la réalité climatique Canada
Parc de la Rivière-des-mille-Iles

Source: https://fondationrivieres.org/lettre-ouverte-eaux-usees-2020/

Voici la réponse que notre lettre a reçue :